Aâma, tome 1 (Peeters)

Publié le par k.bd

entete aâma 

 

[Quelques ondes de nostalgie... retour en 1959]
« Tadadadada tadadada tadadada. Tadadadada tadadada tadadada
Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite de sons, mais aussi d'esprit. Un voyage au bout des ténèbres où il n'y a qu'une destination : la Quatrième Dimension. »


Ce mois-ci sur k.bd, je viens vous proposer un voyage dans le temps, dans un univers où la science et la fiction ne font qu’un, où les peuples de multiples galaxies se croisent et se recroisent, où les vaisseaux spatiaux dominent l’espace, où toutes les hypothèses d’un futur plus ou moins proche deviennent plausibles, tangibles.
Un genre abondant en littérature ou au cinéma, mais pas si courant que ça en bande dessinée. Délaissé par le medium ? Peut-être. Peut-être à cause de sa trop grande complexité, car il en faut du talent pour apporter des choses nouvelles sur le sujet, il faut du génie, du rationnel et de l’irrationnel. Bien sûr, il y a tout un tas d’albums qui pourraient se revendiquer science-fiction sans avoir une once d’inventivité, mais nous vous avons préparé pour les semaines à venir un petit festival intersidéral.
La première étape nous fera décoller de Radiant, une terre ultra-urbanisée organisée en strates sociales, pour Ona(ji), un monde quasi-désertique seulement peuplé de quelques scientifiques et doté d’un mystérieux secret. Un petit pas vers l’inconnu, un bond de géant vers la planète Peeters !

Frederik Peeters, est-il vraiment utile de vous le présenter ? Il fait partie de ces auteurs de renom qui jouissent d’un statut de maître dans le milieu du 9ème Art. Pour certains d’entre eux, ça se discute. Mais pour Frederik Peeters, nous sommes obligés de constater son talent et surtout sa très grande régularité dans ses œuvres, toutes construites sur une même ligne d’excellence.
Avec Aâma, l’auteur suisse reprend le chemin de la science-fiction, lui qui s’en était un peu écarté, sans jamais s’en détourner cependant depuis Lupus. Grand amateur du genre, ses récits oscillent souvent entre la S-F et le fantastique, explorant sans cesse des univers foisonnants et pleins de réflexion.

Radiant, c’est le point de départ de l’histoire. Enfin, disons plutôt que c’est là que tout commence, car il est aussi question d’amnésie. Radiant est une société complexe et populaire, tentaculaire même. Organisée en niveaux, elle nous fait un peu penser à cette cité Techno dans L’Incal où les aristos dominent les plus hautes sphères pendant que les bas-fonds grouillent sous la vermine la plus abjecte.
C’est d’ailleurs dans ces bas-fonds qu’on croise pour la première fois notre « héros » malgré lui, Verloc Nim, le nez dans la merde et empestant le Shia, une sorte de drogue de bas étage particulièrement répandue. C’est son frère Conrad, accompagné de son robot-gorille garde du corps Churchill, qui le retrouve là et lui tend la main, oubliant des années de mutisme et de désamour réciproque. Le début d’une grande aventure, d’une nouvelle vie… vers Ona(ji)
Ona(ji), c’est peut-être l’exact opposé de Radiant, une planète complètement déshumanisée et désertique pour une parfaite contradiction : si elle paraît comme dépourvue d’intérêt (au premier abord, car il s’agit tout de même de la dernière planète découverte, et donc potentiellement future terre d’accueil pour un monde en perdition), elle semble garder en elle un mystérieux secret sous la forme du projet Aâma… qu’est-il exactement ? Vous ne le saurez pas… du moins pas pour l’instant. Le terrain de jeu parfait pour une panoplie de personnages hauts en couleur :

Verloc Nim, pour commencer. Vous l’aurez compris, notre protagoniste principal n’est pas un cador. Bien au contraire même, il a l’étoffe du parfait looser. Tout dans sa vie n’est que constat d’échec : son boulot ? Il l’a perdu. De même que sa femme et sa fille, qu’il n’a plus le droit d’approcher sous peine de voir une milice privée le lui rappeler avec force et conviction. Il devra se reconstruire intégralement, et ça tombe bien, puisque l’aventure proposée par son frère le lui permet.
Conrad, le frère vaniteux des souvenirs de Verloc aurait-il changé ? Serait-il devenu plus avenant avec les gens, plus à l’écoute ? Il est en tout cas promu à un poste d’importance et a acquis une certaine stature pour un avenir radieux. Ce poste là lui impose des missions d’envergure… et probablement aussi de nombreux problèmes.
Heureusement, il y a Churchill, son garde du corps personnel. Robot dernière génération ultra perfectionné, ce gorille cybernétique n’en est pas pour autant austère, toujours prêt à dialoguer et à échanger dans un flegme quasi-britannique. Mais lorsqu’il y a du grabuge, il ne laisse aucune chance à sa cible et devient une arme efficace et dangereuse.
Voilà pour les personnages principaux, mais vous en découvrirez de nombreux autres au fil de l’album. Et vous vous rendrez vite compte ô combien Frederik Peeters a soigné chacun d’eux, ne laissant rien au hasard : portraits affinés dans les moindres détails, caractères mûrement réfléchis, passés et ambitions méticuleusement fouillés.
Un projet bien ficelé !

Ce tome 1 de Aâma s’inscrit comme le premier d’une longue série (l’auteur souhaiterait a priori la faire tenir sur la longueur). Frederik Peeters n’a peut-être pas renouvelé le genre S-F, mais il a apporté sa pierre à l’édifice avec des thèmes qui lui sont chers et notamment la notion d’humanité.
Les relations entre les personnages sont au cœur du récit, et si on ne sait pas encore où tout cela les mènera, nous avons tout le loisir de réfléchir à toutes ces innovations que le monde de demain nous apportera peut-être et qui nous sont proposées… La cybernétisation est l’un de ces sujets : Quel avenir pour l’homme de demain ? À l’heure où la science et les nanotechnologies font des progrès fulgurants, quel sera le visage de notre monde futur ? Jusqu’à quel point un être humain peut-il rester un homme? À partir de quel moment devient-il une machine ? Sommes-nous seulement des gens avares de produits de consommation ? A-t-on besoin de nous gadgétiser à outrance ?
Verloc Nim se pose du côté de l’humain. Technophobe, il rejette cette cybernétisation et se plaît à lire de « vrais livres » et à écrire sur du papier. Des pratiques rétrogrades qui ont quasiment disparues dans ce monde, voire qui sont prohibées. Tout le contraire de son frère qui dispose de multiples implants. Encore un point qui les oppose et qui chez nous lecteur met en évidence tous les travers de la société actuelle, dont Aâma est le miroir.

Je m’étale sur le récit, mais une bande dessinée c’est aussi du dessin.
Pour Aâma, Frederik Peeters retourne à la couleur, prenant finalement le contrepied de sa précédente série de science-fiction, Lupus. Un choix qui permet à l’auteur de disposer d’une large gamme chromatique pour donner encore plus de profondeur à son monde.
Fort de son trait épais caractéristique mais néanmoins plus épuré qu’à l’accoutumée, il nous brosse les détails d’un univers unique dont il s’approprie les contours, lui donnant parfois des effets virevoltants dans d’étranges circonvolutions.
Étrange, c’est bien le rendu obtenu de ce monde, dont l’auteur nous montre les avancées futuristes, parfois avant-gardistes, tout en préservant quelques saveurs au parfum d’antan, avec un petit côté rétrograde.

Un album riche et pourtant seulement introductif, ce qui aura eu pour effet de frustrer les plus grands amateurs de Frederik Peeters chez k.bd, à savoir David et Mo’.
Les bases d’un récit complexe et ambitieux sont solidement posées et n’attendent que la suite pour s’éclaircir. Le lecteur s’identifie au personnage de Verloc, qui recouvre de son amnésie, et devra patienter avant de percer tous les secrets de son monde. Les questions sont nombreuses, l’intrigue épaisse. Il nous en faudra du temps pour remettre en place toutes les pièces du puzzle. Frederik Peeters souhaite prendre le temps de raconter son histoire, nous serons bien aise de nous laisser porter au gré des futurs albums…
En attendant, je pourrais vous proposer de visiter le blog du projet Aâma, creuset d’expériences et d’échanges autour de cette série, fenêtre ouverte sur les coulisses de la création de l’auteur.
Ou encore vous inciter à découvrir les autres œuvres de l’auteur : Château de sable, Pachyderme, Pilules bleues, Koma, RG… et bien entendu Lupus, dont je vous ai déjà parlé plus haut.


Ce que nous en avons pensé :
David : « Un livre qui s’inscrit dans la tradition de l’œuvre de Frederik Peeters mais aussi dans celle de la pure SF où la part philosophique n’est pas exclue. »
Yvan : « Bien plus qu’une mise en place, ce premier volet s’avère déjà extrêmement prenant et prometteur. »
David F. : « On a l’impression que tout ce qu’il nous raconte coule de source, que tout est évident et qu’il n’y a aucune question à se poser quant à la véracité des propos. […] Une série qui va vous surprendre. »
OliV’ : « Si tu aimes la S-F, cette série semble parfaite, et si tu aimes le travail de Peeters, cette nouvelle série est digne d’un récit captivant ! »
Choco : « Au delà du récit de science-fiction classique, Peeters y apporte un je ne sais quoi d’étrangeté qui réussit parfaitement à libérer l’intrigue des contraintes du genre. »
Mo’ : « Une fiction qui nous invite à réfléchir sur la nature humaine. »
Lunch : « Il y a un parfum de mystère qui se dégage de cette lecture. Il faudra approfondir pour en percer les multiples secrets, pour découvrir l’histoire véritable qui se cache derrière le voile de l’amnésie. »

 

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Publié dans Synthèses

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L
C'est sûr que de ne pas savoir le nombre de tomes d'une série fait un peu peur...<br /> Moi y'a pleins de séries que je ne commence pas parce que je sais que ça va être une série, que ça risque d'être long, etc... D'ailleurs, j'en viens à quasiment boycotter quelques auteurs dont je<br /> ne citerais pas les noms, adeptes des séries à rallonges et cycles en tout genre, par peur de me frustrer de ne pas acheter la suite parce que ça risque de s'essouffler sur la longueur même si<br /> c'est bon au départ.<br /> <br /> Bref, avec Aâma au moins, on sait que l'auteur n'est pas coutumier des longueurs et qu'il sait comment donner du souffle à ses séries :)<br /> Enfin, je te laisse lire Pilules bleues et Lupus et on en reparle. D'ailleurs, je t'enverrais nos experts David et Mo' pour te faire la conversation, ils seront plus convaincants que moi ^^
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J
Je ne sais pas pourquoi mais la couverture ne m'attire pas du tout ! Et puis, ne pas savoir combien il y aura de tomes, ça me fait peur ;) Mais je viens d'emprunter Pilules bleues et je compte bien<br /> lire Lupus aussi ... on verra si ça me fera changer d'avis !
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L
Une suite prévue aux alentours de septembre.<br /> Frederik Peeters travaille d'ailleurs un peu sur la couverture en ce moment, à voir sur le blog du projet Aâma.
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B
J'ai pour ma part été séduit par cette BD. J'attends la suite avec impatience.
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