Lady snowblood (Kazuo)

Publié le par k.bd

entete lady snowblood

 

Impossible de penser vengeance sans évoquer la plus belle femme vengeresse de la bande dessinée japonaise, j’ai dit Lady Snowblood ! Une femme aussi belle que dangereuse qui a fait le choix de la vengeance comme ligne de vie.

Yuki, dite Lady Snowblood, est l’enfant du carnage, l’enfant de la vengeance. Née sans amour au cœur d’une prison où sa mère purge une peine d’enfermement à vie pour le meurtre d’un homme, Yuki est venue au monde pour porter le poids de la vengeance maternelle. Un désir tenace et violent qui dépasse le temps et la mort, à travers cette petite fille, seule capable de quitter les barreaux derrière lesquels sa mère, Sayo, est retenue. Un destin sous le signe du sang et du sabre que la petite fille supportera sans broncher dès son plus jeune âge.
Mais quel est ce drame familial duquel prend source une si terrible vengeance ?
Alors que Sayo accompagne son mari au village où ce dernier vient d’être nommé professeur, une bande de 4 criminels s’attaque à eux. Le mari est sabré de sang froid et Sayo, quant à elle, est battue et violée devant le cadavre de son jeune fils. Si le temps lui permettra de donner la mort à son tour à l’un de ses bourreaux, Sayo sera rattrapée et condamnée à la prison à vie. Reste 3 autres assassins à punir…
Yuki a désormais 20 ans et est devenue une tueuse professionnelle redoutable. Traquant les assassins de sa famille, elle n’hésite pas à effectuer des missions de tueuse à gages où sa beauté froide et son art du sabre font mouche. Conditionnée pour tuer, Yuki a été élevée dans un esprit de vengeance qui laisse peu de place à l’amour, au doute et à la sensibilité.
Le lecteur suivra notre héroïne au fil des chapitres où s’entremêlent sa quête de vengeance et ses missions grassement rémunérées, entre lesquelles s’intercale parfois des flash-back revenant sur la tragédie familiale et son passé.


Cette saga de la vengeance, qui s’étale sur plus de 1000 pages, est née de deux auteurs d’exceptions. On retrouve au dessin Kazuo KAMIMURA, éteint bien trop tôt à l’âge de 45 ans, auteur d’une œuvre prolifique dont nous pouvons découvrir quelques titres en France : Lorsque nous vivions ensemble, Le fleuve Shinano, Folles passions, L’apprentie geisha, La plaine du Kantô. Il donnera ses lettres de noblesse au genre du Gegika (style de manga qui se penche sur des thèmes plus matures et utilise une veine réaliste) et s’attardera plus particulièrement à dessiner de sublimes héroïnes.
A ses côtés va œuvrer Kazuo KOIKE, scénariste de séries cultes comme Lone wolf and Cub, Crying Freeman ou Kajô, la corde fleurie. Il écrira également pour le cinéma dont l’adaptation cinématographique de Lady Snowblood.
Lady Snowblood, sous son nom d’origine Shurayuki hime, est une série qui fut publiée pour la première fois en 1972, dans une version japonaise de Playboy. Un fait notable qui permet de souligner la sensualité et l’érotisme subtil présent dans cette histoire. Alliant violence et sexe, Lady Snowblood évite pourtant l’écueil de la vulgarité. Les sexes ne sont jamais montrés explicitement et si Yuki s’affiche dénudée à de nombreuses reprises, son corps et ses mouvements sont sublimés de telle manière qu’ils en sont fascinants.
De fait, notre groupe de lecteurs s’accorde à trouver à cette œuvre un grand esthétisme. Yvan voit une héroïne de classe innée et aux mouvements gracieux, et considère le trait de KAMIMURA élégant et lisible. Oliv’, de son côté, s’exclame de toute cette beauté somptueuse et reconnaît (un rien coquin !) que les scènes de nus sont parfaites ! Pour ma part, j’ai été séduite par la beauté longiligne de l’héroïne sublimée par le trait délicat de KAMIMURA et par les chorégraphies de combats, véritables danses de mort arrêtées en pleine action par le dessinateur.
KOIKE réussit à donner un rythme intéressant à son histoire, alternant moments de calme avant la tempête et scènes d’action aussi brusques et tranchantes qu’efficaces, à l'image d'un sabre surprenant son adversaire.

Si, après 40 ans, l’histoire de Lady Snowblood n’a pas vieillie tant graphiquement que scénaristiquement, c’est que cette saga prend place dans un contexte historique bien particulier. Se déroulant pendant l’ère Meiji (1852-1912), ce manga est aussi un témoignage à rebours d’une époque clé pour le Japon. C’est une période de transition que le pays s’apprête à vivre, délaissant son isolement historique sous l’impulsion de l’empereur Meiji qui tente de véhiculer la modernité européenne. Cela signe la fin du shogunat et, de fait, celle des samurai qui deviendront bientôt des rônin errants sans maître. Aussi, le récit contient de multiples références à cette période historique emblématique et prend même source dans un meurtre lié aux émeutes paysannes qui s’inscrivirent en réaction à cette politique d’ouverture.
Si vous ne connaissez rien de cette période, ne craignez-rien ! Les excellentes préfaces et postfaces présentes dans les 3 volumes de la série expliquent et recontextualisent les faits de manière très accessible et vous permettent d’apprécier encore plus la richesse de cette histoire.

Enfin, alors que mes confrères masculins n’ont pas été sensibles à la représentation de Lady Snowblood en tant que femme, je ne peux m’empêcher en tant que lectrice d’évoquer le fait ! Il est tout à fait marquant de voir que Yuki est une femme qui défie toutes les conventions et les normes de l’époque. Femme forte, elle assume sa beauté qu’elle n’hésite pas à utiliser contre les hommes (et même parfois les femmes) pour arriver à ses fins. Elle a une sexualité active, presque perverse (puisque ce n’est pas la recherche de plaisir qui est ici importante), et ne craint pas de se laisser aller à quelques scènes de lesbianisme. L’Homme a, dans ce récit, une place fortement secondaire et même négative. Aussi, il est surprenant de voir que les auteurs offrent à notre héroïne un rôle dominant vis-à-vis de la gent masculine en totale contradiction avec la place soumise communément admise. Une façon de souligner le changement des codes de l’ère Meiji et du rôle féminin dans les années 70 ?

Vous l’aurez donc compris, nous sommes tous unanimes sur cette magnifique série devenue culte au point d’avoir inspiré Tarantino pour son film Kill Bill, après les notables adaptations de FUJITA et de son actrice phare Meiko KAJI.
Yvan s’est passionné pour le premier volet de la série qu’il juge excellent, en dépit de la nature ambigüe de son héroïne.
Oliv’ avoue avoir été totalement envouté par la belle Yuki qui lui a glacé les sangs, malgré ses légères difficultés à bien situer les personnages.
Quant à moi, je le qualifie comme un véritable chef d’œuvre, subjuguée par le portrait de cette femme conquérante et rebelle qui s’oublie pour aller au bout de sa destinée. Mon seul regret : l’existence d’un troisième volume inutile et discutable.

En attendant que vous vous penchiez sur ce manga indispensable, toute l’équipe vous donne rendez-vous la semaine prochaine avec un nouveau thème à découvrir… !

 

avatar Choco couleur

Publié dans Synthèses

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