Omni-Visibilis (Trondheim & Bonhomme)

Publié le par k.bd

  entete omnivisibilis

 

 

Nous avons vu ce mois-ci que le paranormal peut revêtir différentes formes. Entre l’obsession morbide de 73304-23-4153-6-96-8, l’onirisme gothique de Courtney Crumrin et le fantaisisme trash de Homunculus, terminons notre périple avec le burlesque paranoïaque de Omni-visibilis.

« Hervé, célibataire, la trentaine maniaque, mène la vie un peu mesquine mais sans histoires d'un employé de bureau lambda. Un matin, il se rend compte que son voisin entend ce qu'il pense, puis un quidam dans le bus, puis sa mère, à des kilomètres de là... Hervé est devenu une sorte d'open-source à sens unique, un télépathe inversé dans lequel six milliards d'êtres humains lisent à livre ouvert... Le cauchemar peut commencer. » (Note de l’éditeur)

Quelle serait la pire chose qui puisse compromettre notre intégrité, détruire notre libre-arbitre et corrompre notre moi intérieur, si ce n’est que nos pensées et nos sensations soient connues de tous ? Quoi de plus horrible que de se sentir dépossédés de nous-mêmes, de ne plus avoir d’intimité.

De ce postulat pour le moins insupportable, un délire paranoïaque digne d’Orwell, Trondheim en tire un récit burlesque et rocambolesque. Car plutôt que d’en décrire l’horreur, il décide d’en rire. Et nous avec pour le coup.

Toute l’équipe est unanime, cet Omni-visibilis déclenche plutôt des crises de rires que des crises d’angoisses. Lunch avoue qu’il y a bien longtemps qu’il n’avait pas ri autant en lisant une BD : « Le sourire toujours aux lèvres, c'est une lecture agréable au plus haut point, avec des répliques mordantes et des situations rocambolesques. Il y a une surenchère incroyable du début à la fin, on est pris dans le récit et impossible d'en descotcher. »

Omni-visibilis nous fait également réfléchir sur notre monde moderne. Ne sommes nous pas tous un peu dans la position d’Hervé ? A savoir que nos moindres faits et gestes, nos moindres désirs ou envies peuvent être connus de tous. Parabole sur notre monde actuel – fait de blogueurs, "face-bookeurs" et autre "twitteurs", ou la télé réalité prend le pas sur la fiction, ou le banal devient grandiloquent, ou les petites préoccupations de l’intime se transforment en spectacle – Omni-Visibilis est un album à l’humour grinçant, un miroir qui nous renvoie à nos propres travers d’ "homo-visibilis" !

Yvan résume très bien : « Le récit imaginé par Trondheim s’avère aussi intelligent que burlesque. Construit sur des dialogues efficaces et un ton léger, ce récit pourvu d’une excellente chute, se dévore d’une seule traite. De plus, le trait séduisant de Matthieu Bonhomme, rehaussé d’une bichromie bleuâtre, convient parfaitement à cette course poursuite burlesque et parfaitement maîtrisée. »

Zorg ajoute que : « Le scénario aurait pu tomber dans un truc incompréhensible ou illisible avec une fin abracadabrantesque, peu crédible (on est d'accord, l'histoire sort déjà des sentiers battus ^^). Mais pas du tout, c'est mené de façon intelligente, drôle et Trondheim met fin à ce récit de bien belle manière. »

Choco a surtout apprécié le rythme soutenu du recit : « Voilà un scénario original pour une histoire qui se déroule à toute vitesse. Le lecteur courra avec notre héros de courses poursuites en petites pauses pour mieux rebondir plus loin. Très rythmé, il se ponctue de nombreuses scènes comiques engendrées par la situation : par exemple, la scène où Hervé, à la selle, fait profiter au monde entier ses toilettes odorantes ! »

Si le scénario de Trondheim fait l’unanimité sur ses qualités d’inventivité et de spectaculaire, ne laissant aucun répit aux lecteurs, le graphisme de Bonhomme provoque des réactions plus mitigées. Le choix de cette bichromie bleue-pale n’est pas du goût de tout le monde.

Badelel pense que : « Le dessin de Bonhomme est simple, direct et efficace. Par contre, quitte à choisir la bichromie, une autre couleur que ce vert gerbouille n'aurait fait de mal à personne. Enfin ça c'est mon ressenti. »

Pour Mo’ : « Le choix d’une bichromie teinte de blanc et de bleu a réellement contribué à renforcer les sentiments antipathiques que j’ai pour le personnage principal. Habituellement, le bleu me fait surfer sur la vague de la convivialité et accentue le coté serein des choses mais ici, ce bleu donne à l’ambiance un côté très aseptisé.»

De son coté, Paka apprécie les choix esthétiques de Bonhomme : « Et quelle bonne idée a-t-il eu là ! Matthieu Bonhomme, grâce à son dessin précis, son trait vif et épuré (on pense parfois à Frederik Peeters), et son travail sur les ombres (superbement mis en valeur par une bichromie très bien adaptée), offre une réelle profondeur et même une certaine gravité au scénario. »

Pour ma part, le graphisme de Bonhomme convient assez bien à l’histoire. Le contraste entre une ligne-claire vive et expressive, des mises en pages dynamiques et cette bichromie aseptisée est plutôt réussi. Cependant, j'avoue qu'un noir et blanc plus contrasté ne m'aurait pas déplu...

Terminer cette thématique sur le paranormal par un album au ton plutôt léger corrobore cette idée que l’horreur n’est pas incompatible avec l’humour. Et pas un humour noir, qui se prêterait mieux à l’exercice, mais un humour absurde et engagé.

Le mois prochain nous vous proposons un autre thème, qui pour le coup amène une parfaite transition avec cet album : « la vie ordinaire, c’est un truc assez complexe »

 

 

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Publié dans Synthèses

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L
@Savon : Pour la bichromie, j'ai l'impression qu'on aime ou on aime pas hein :)<br /> En tout cas je suis d'accord avec toi sur ce point.
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S
Achetée pour la bibliothèque, j'ai vraiment aimé cette BD. et j'ai trouvé que le dessin et le bleu était tour à fait cohérent avec le récit. Une très bonne lecture :)
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B
J'ai beaucoup apprécié cette BD également.
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